Un éternel optimiste?
Au début de ma carrière comme syndic autorisé en insolvabilité, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec un homme qui avait déclaré faillite. Ses finances indiquaient qu’il était endetté de plusieurs millions de dollars. Sa maison et sa voiture étaient entièrement grevées, et aucun de ses actifs n’était libre. Il avait un revenu suffisant pour couvrir ses dépenses familiales, mais n’avait aucun revenu ou actif supplémentaire pour rembourser ses dettes. Il m’a expliqué que son insolvabilité était imputable aux cautionnements personnels qu’il avait fournis sur les dettes d’une société insolvable et mise sous séquestre. Intrigué, j’ai commencé à le questionner afin qu’il m’explique sa situation.
Il m’a d’abord raconté qu’il avait connu beaucoup de succès comme directeur de plusieurs entreprises. Compte tenu de sa réussite, un groupe de médecins propriétaires d’une clinique et d’un centre commercial l’avaient approché. Après plusieurs rencontres, ils l’ont convaincu d’accepter le poste de directeur de leur société. La condition d’embauche était qu’il fournisse des cautionnements personnels sur les dettes de la société. Avant d’occuper ce poste, il avait toujours été complètement libre de dettes.
Après quelques mois à la direction de la société, il s’est aperçu que les dirigeants n’avaient pas été complètement honnêtes avec lui en omettant de lui dire que la société éprouvait d’importantes difficultés financières. Malgré tous ses efforts pour sortir la société de l’endettement, cette dernière a dû être mise sous séquestre. Les administrateurs de la société, à savoir les médecins, ont déclaré faillite et déménagé aux États-Unis, où ils pouvaient gagner un revenu plus élevé et se refaire une santé financière. Il s’est retrouvé, pour ainsi dire, à ramasser les pots cassés.
À partir de ce moment, soit plus de cinq ans avant notre rencontre, il a travaillé d’arrache-pied chaque jour afin de gagner des revenus suffisants pour rembourser des dettes de plusieurs millions de dollars et éviter la faillite. Il était évident à mes yeux qu’il n’aurait pas été capable de payer l’intérêt sur une telle dette, et encore moins le capital.
Je l’ai invité à m’expliquer les raisons pour lesquelles il avait, pendant toutes ces années, remis à plus tard la décision de déclarer faillite. Il m’a expliqué qu’il était le président du club optimiste local, et que ses membres étaient persuadés que tout est possible quand on y croit vraiment. Il ne pouvait concevoir d’échouer de la sorte financièrement et, pendant des années, il a fait tout ce qu’il pouvait pour accumuler les heures supplémentaires, occuper un deuxième emploi, couper dans les dépenses familiales et rembourser ses dettes. Il croyait au pouvoir de la pensée positive, et l’échec lui était inconcevable.
À ce stade de notre entretien, je lui ai demandé quel conseil il donnerait à une personne aux prises avec pareilles difficultés financières. Il m’a dit qu’il n’hésiterait pas une seconde à recommander la faillite personnelle. Je lui ai donc demandé de m’expliquer comment une personne expérimentée et compétente comme lui pouvait se croire en mesure de rembourser des dettes de cette ampleur.
Il m’a confié que la peur de l’échec et l’orgueil mal placé l’avaient aveuglé, et qu’il avait longtemps cru pouvoir accomplir l’impossible. Ses émotions l’ont empêché d’évaluer froidement s’il serait en mesure ou non de rembourser ses dettes.
Cet exemple est extrême, mais dans le cadre de notre travail, nous rencontrons souvent des gens qui, pour des raisons émotives, remettent à plus tard la prise de décisions rationnelles concernant leurs difficultés financières. Si vous éprouvez des difficultés financières, faites abstraction des préjugés qui vous empêchent de prendre une décision rationnelle rapidement. Vous vous épargnerez, ainsi qu’à votre ménage, beaucoup de stress et de soucis. Le pouvoir de la pensée positive et l’optimisme ont leurs limites. Lorsqu’il faut gérer des dettes insurmontables, le réalisme est la plus grande des vertus.